Les présidentielles 2022 et la mobilité régionale

La pandémie de covid-19 nous a montré, entre autres, que la France est capable de se mobiliser face à sa propre impréparation. Tout ça sera un simple exercice face à la crise climatique qui arrive à grand pas. Le prochain président de la république se trouvera face à de nombreuses décisions difficiles et coûteuses, encore plus si le gagnant en avril souhaite trop protéger l'industrie automobile et nos habitudes existantes.

Nous avons besoin de mobilité. Sans nier le rôle important du cadre national, nos déplacements sont majoritairement locaux.

Fournir plus de mobilité en transports collectifs, vélo, et marche à pied, c’est faire un choix crédible aux Français et laisse plus de place pour ceux qui souhaitent toujours se déplacer en voiture. Certaines des propositions suivantes pourraient sembler coûteuses. Et pourtant, elles sont presque toutes moins chères que la construction de la même capacité en autoroutes et voitures.

Nous interrogeons les candidats, leur demandons de prendre position sur les sujets ci-bas. Nous vous communiquerons et médiatiserons leurs réponses, sans lâcher, pendant toute la durée de la campagne.

1. Parking voiture

La législation en France favorise fortement - voire oblige - la création de places de parking voiture tout ou une partie des aménagements communaux. Que ce soit les places aériennes sur la voie publique ou les places privées sur un domaine privé, l'obligation est néfaste pour la société française. Elle augmente le prix de l'immobilier même pour ceux qui ne se déplacent pas en voiture. Elle entraîne un usage excessif de terrain. Elle augmente les impôts à ceux qui ne se déplacent pas en voiture, car les places aériennes coûtent entre 15 et 20 K€ sur 20 ans. Et elle décourage les autres modes de déplacement : et par la suggestion que c'est la voiture qui est prévue et par l'augmentation de trafic automobile que cette subvention entraîne.

Nous appelons l’élu.e à la présidence de la République d'agir dans ses premiers 100 jours pour supprimer toute obligation de création de parking voiture sur le territoire national. Nous ne demandons pas d'interdire les nouveaux emplacements, mais ceux-ci doivent être un choix commercial privé, éventuellement réglementés par les autorités municipales compétentes.

2. Parking vélo

Le cycliste se trouve trop souvent confronté à une absence de parking visible lors de ses déplacements. Les commerces entourées de parkings voiture n'offrent trop souvent aucun parking vélo.

C'est important que le parking vélo soit visible, car il signale clairement que les déplacements à vélo sont acceptables et encouragés. Il faut également que le parking vélo soit une évidence. C'est le doute qui tue les déplacements à vélo. Le cycliste qui s'interroge sur la possibilité d'attacher son vélo à destination est beaucoup moins susceptible de choisir ce mode vertueux.

Nous appelons l’élu.e à la présidence de la République d'agir dans ses premiers 100 jours pour créer une obligation de création de parking vélo au moins au niveau de 50 % des places voitures dans le même lieu. Lorsqu'il s'agit d'un lieu avec obligation de places handicapées, les emplacements vélo ne doivent pas être plus éloignés des entrées que celles-ci.

3. Fini les déserts de desserte !

Trop de Français, même en métropole, ne peuvent pas se déplacer en transports collectifs faute d'une desserte ou d'un maillage trop faible voire inexistant. Nous évoquons souvent le coût pour le fournir, et pourtant nous construisons volontiers des quatre-voies et autoroutes qui représentent souvent 100 M€ par kilomètre en acquisition de terrain et en construction.

Les services existants souffrent d'un manque de visibilité et de publicité. Des dizaines de millions de nos concitoyens habitent à seulement quelques kilomètres d'une ligne de car ou de train sans savoir si celle-ci peut leur servir.Ceci devient particulièrement problématique aux frontières entre les régions, où trop souvent les lignes s'arrêtent tout simplement par manque de coordination ou de coopération entre les régions.

Nous appelons l’élu.e à la présidence de la République à agir dans ses premiers 100 jours pour la mise en place de la Grande Mobilité à l’échelle nationale. En particulier,

  • faire en sorte que (presque) personne sur le territoire n'habite à plus de 5 km d'un arrêt de car ou de train
  • obliger les régions et les communes à promouvoir efficacement l'usage de ceux-ci, avec évaluation régulière sur la connaissance des habitants et la fréquentation des arrêts, le résumé des résultats en open data
  • les régions sondent régulièrement leurs habitants sur leur trajets : lesquels sont raisonnables en transports collectifs, lesquelles non, et l'évolution de cette proportion, le résumé des résultats disponibles en open data
  • munir tout arrêt ou gare d’un réseau piéton sécurisé permettant les résidents et visiteurs de proximité d'y accéder
  • munir tout arrêt ou gare d’un réseau cyclable sécurisé permettant les résidents et visiteurs de proximité d'y accéder
  • doter en quantité suffisante les gares et arrêts de parking vélo pour la demande locale
  • calibrer la fréquence et les heures de dessertes aux habitudes de déplacement des habitants, y compris tôt le matin et tard le soir pour que la prestation soit crédible
  • obliger les régions à travailler avec leurs homologues voisins pour que nos trains et cars ne s'arrêtent pas aux frontières, que ce soit entre deux régions françaises ou entre la France et ses voisins

4. Normes nationales pour infrastructures cyclables

L'automobiliste qui se déplace de Strasbourg à Bayonne reconnaît l'infrastructure routière tout le long de son voyage. Le cycliste qui tente de faire de même trouve des changements réguliers de style d'aménagement.

Les Pays Bas et le Danemark ont passé 50 ans à perfectionner les aménagements cyclables pour le plus grand plaisir de leurs citoyens ! La France peut en profiter en copiant leur réussite.

Nous appelons l’élu.e à la présidence de la République d'agir dans ses premiers 100 jours pour la création d'une norme nationale à destination desinfrastructures cyclables qui copie largement celle des Pays Bas, exemple réussi. En outre, nous lui appelons à s'assurer qu'un début de mise en œuvre soit effectué durant son mandat afin que les Français souhaitant se déplacer à vélo puissent le faire.

5. Harmonisation des systèmes de paiement des transports collectifs

L'automobiliste qui se déplace de Strasbourg à Bayonne ne change pas de voiture en route, achète le même pétrole avec le même dispositif. Les péages ne changent pas de prix, même achetés à la dernière minute. Il part et arrive en toute confiance sur la nature et le coût de son trajet, même si c’est sa première fois.

L'usager des transports collectifs ne bénéficie pas de la même liberté. À chaque changement de ville, il y a changement de système. Il faut prévoir une courbe d'apprentissage, une nouvelle signalétique, un nouveau dispositif de paiement et souvent un nouveau système de réductions qui rendent le prix même du trajet difficile à connaître en amont. Même un trajet simple, par exemple d'un point de Nantes à un point de Saint-Nazaire, demande au moins un ticket nantais, un ticket régional, et un ticket nazairien. Si une partie du déplacement convient au système de vélos en libre service (bicloo, vélYcéos), le voyageur doit maîtriser ses particularités et acheter encore un ticket voire un abonnement ou deux.

Ces découragements sont évitables. Juste pour prendre deux exemples, le sud-est de l'Angleterre se sert du Oyster et le Japon a son IC. Dans les deux cas, multiples régies ou sociétés y participent.

Nous appelons l’élu.e à la présidence de la République à convoquer dans ses premiers 100 jours les principaux représentants des systèmes de transports collectifs du territoire afin de formuler un projet pour que tous nos systèmes de transports collectifs soient harmonisés dans la décennie à venir avec un début significatif avant la fin du quinquennat.

6. TER

Depuis 40 ans, la France a créé un système de TGV performant au détriment des TER. Afin d'encourager les déplacements bas carbone, il faut redonner vie à nos TER : rouvrir les lignes fermées, augmenter la fréquence de desserte, rendre les prix plus attractifs, faciliter la recherche de parcours à bas prix en évitant les TGV.

Nous appelons l’élu.e à la présidence de la République d'établir une feuille de route dans ses premiers 100 jours pour la remise à niveau de notre système TER hors TGV et de le mettre en œuvre durant son mandat. En particulier,

  • augmenter la fréquence et les périodes de desserte des lignes existantes pour correspondre aux besoins et habitudes des habitants, y compris tôt le matin et tard le soir
  • mettre en place une tarification accessible et prévisible sur le territoire entier
  • rouvrir les lignes fermées lorsque celle-ci est envisageable, même si certaines nouvelles gares sont au début provisoires ou la vitesse de la voie initialement inadéquate
  • formuler un plan pour re-connecter les lignes inter-régionales et transfrontalières et avancer significativement sur la mise-en-oeuvre durant le quinquennat
  • formuler un plan pour la construction de nouvelles lignes où une offre insuffisante se présente et avancer significativement sur la mise-en-oeuvre durant le quinquennat
  • renforcer le service en car où le TER est absent
  • augmenter la fréquence des services pour que les correspondances deviennent faciles

7. Ralentir pour aller plus vite

La vitesse est l'ennemi des modes doux et actifs car elle crée un danger et une perception de danger pour les piétons et les cyclistes. En outre, elle crée une concurrence ou perception de concurrence pour tout mode qui n'est pas la voiture individuelle, y compris les transports collectifs, car elle donne l'impression que la voiture, rapide entre ses feux rouges et hors embouteillage, est plus rapide en moyenne.

Le résultat se manifeste en embouteillages et autres maux dans nos déplacements.

Nous appelons l’élu.e à la présidence de la République d'agir dans ses premiers 100 jours pour modifier le code de la route pour que la vitesse maximale en commune et en agglomération soit de 30 km/h afin d'encourager les modes actifs et doux.

8. Généraliser les M12

La dynamique dans les rues et sur la route n'est pas la même selon le mode de déplacement. Sécuriser et réguler le flux de voitures impose des contraintes qui sont bien différentes que les mêmes objectifs pour les piétons ou pour les cyclistes.

Le panonceau M12 était une bonne initiative : le cycliste arrivé au feu, après avoir cédé le passage, peut continuer s'il tourne à droite. Ce dispositif a fait ses preuves dans notre pays depuis plus de dix ans, le temps que nous suggérons une opportunité claire d'amélioration.

Nous appelons l’élu.e à la présidence de la République d'agir dans ses premiers 100 jours pour modifier le code de la route afin de donner le droit aux cyclistes (sans panonceau) de tourner à droite à tout carrefour après avoir cédé le passage aux automobilistes et de franchir le carrefour dans toute zone de vitesse 30 ou inférieur dès que ce carrefour s'est vidé des véhicules motorisés qui étaient en attente d'une phase verte, et avant que les véhicules stoppés par la phase rouge ne s'avancent sur le carrefour.

9. Redonner le droit aux plus faibles

Lorsqu'un piéton ou cycliste est blessé ou tué par un automobiliste, ce premier se trouve trop souvent en position de se justifier. C'est un avantage excessif concédé aux automobilistes. La petite minorité des conducteurs qui conduisent en excès de vitesse, qui roulent même ponctuellement sur des infrastructures cyclables ou piétonnes, qui dépassent cyclistes et piétons avec marge de sécurité insuffisante ne sont que trop peu rappelés à l'ordre.

Nous appelons l’élu.e à la présidence de la République d'agir dans ses premiers 100 jours pour modifier le code de la route afin de rendre clair que les piétons ont toujours priorité, puis les cyclistes, puis les conducteurs de véhicules motorisés. Nous demandons une promesse de fournir rapidement en open data les chiffres sur les accidents, les infractions et les enquêtes.

Dès qu'il y aura des réponses, elles seront disponibles à partir de cette page.